Orages du 3 Avril 2018

Dans mon précédent article je vous montrais des images de petites cellulounettes de rien du tout caractéristiques des cieux de traîne hivernaux.

Passons à la dimension supérieure avec des orages cette fois-ci. Les premiers orages du printemps, qui ont la mesure de véritables orages estivaux. C’était un bonheur de les observer et pour la première fois de bénéficier moi-même du point de vue imprenable de Malfourat. Allez, c’est parti pour un long article, richement illustré en photos. La sélection a été difficile vu la grande quantité d’images récoltées.

Ces évènements se déroulent entre 16h et 23h15. Avec trois orages adoptant le même comportement et possédant des structures remarquables, par ailleurs assez identiques.

Partie 1 : de jour

Je savais que des orages allaient se former en cet après-midi du Mardi 3 Avril 2018. Toutefois, j’avais mal anticipé le début, quoique la modélisation Arôme du jour-même eut pas mal de retard. Il est un peu moins de 16h et je me dirige (avec mon compagnon sur le siège passager-e de ma Clio), plein Sud, pour aller à Malfourat, sur la commune de Monbazillac. Voici l’état du radar pluie à cet instant :

En pointillés, la ligne de convergence. Ligne de démarcation entre l’air doux et sec du Sud et l’air frais et humide de l’Atlantique (Ouest). Sur cette ligne, des grappes de cellules orageuse remontent, en allant vers le NNE. A cet instant, de puissantes cellules organisées en ligne sévissent sur le NO du département. Celles-ci ne m’intéressent pas car ne venant pas dans ma direction.
Puis, vers le SO, une cellule s’est organisée, avec une évolution rapide. Elle quitte alors le marmandais et est située sur La Réole. Les traits montrent l’angle de champs de la photo ci-après.

Le ciel est assez couvert, avec une instabilité à l’étage moyen très marquée. Au loin, la cellule orageuse se signale par des bases de courants ascendants sombres et denses. On a là un système jeune et bien structuré. Cet orage ne passera pas inaperçu en Dordogne…

La base du courant ascendant est nette, et évolue rapidement. Régulièrement, des stratus fractus se forment et viennent abaisser le niveau de condensation vers le sol.

Et visiblement, les forts cisaillements de direction entrainent la formation d’un tuba, aussi bref qu’imposant ! Au jumelles, la rotation rapide du vortex ne trompait pas sur la nature tourbillonnaire de l’appendice nuageux.

L’orage s’approche et dévoile sa structure, en forme d’arc. Notez la base des courants ascendants, qui est large et dénuée de précipitations, celles-ci étant rejetée en majorité à droite.

Avec un angle plus large.

Il va sans dire que je soupçonne une supercellule, car quelques éléments de structure semble y faire penser. Toutefois, je distingue pas de mouvement de rotation et de torsion propres à un mésocyclone. Le radar ci-dessous montre un écho en arc : un possible enroulement ?

Face à nous se trouve non pas un rideau de pluie mais un rideau de grêle. Peu épais, il ne masque pas le ciel bleu à l’arrière de la cellule orageuse, ce qui procure une belle vision.

La partie orientale de l’orage. Avons-nous un mésocyclone ou bien ?

En très large champs, l’orage est magnifiquement structuré. Un cas d’école.

Et au bout du compte, l’orage s’approche. La pluie également. Elle commence à envahir le paysage.

Le noyau dur de l’orage passe à l’Ouest et prends rapidement sa route Nord.

La pluie tombera juste après. Je décide de m’abriter dans la voiture. Voici la situation au radar :

Il pourrait sembler y avoir un crochet, mais le radar n’indique pas de rotation de l’ensemble. Toutefois, sa résolution spatiale et temporelle ne permettent pas trancher.

La pluie et la grêle s’estompent. Je peux photographier le système orageux qui s’éloigne. Le ciel est désormais dégagé, le Soleil brille, le ciel est bien bleu. Le rêve !

Un bel arc-en-ciel m’attends, celui-ci englobe la vallée de la Dordogne. Hé ouais, le Lobby LGBT est là, qu’est-ce que tu vas faire ?

Puis, je photographie la partie occidentale de l’orage multicellulaire, sous lequel se situent des colonnes de précipitations bien denses.

Je suis tellement absorbée par la photographie de la partie occidentale du système que je ne remarque pas ce qui se déroule à l’Est. Je tombe sous le choc : j’assiste à une véritable explosion convective ! La photo ne rends pas bien compte du gigantisme de la structure car elle couvre un angle de champs très large (120° horizontaux).

C’est juste magnifique. Le blanc des convections est éclatant.

Un pileus coiffera régulièrement chaque nouvelle bouffée, qui se succèdent à intervalle régulier.

C’est … explosif !

Je prends un dernier portrait de cet orage d’une incroyable beauté. Une cathédrale de millions de tonnes d’eau liquide (oui, liquide), survolant le paysage.

Le système orageux s’éloignera alors vers le NNE et passera au dessus de Périgueux.

C’est la fin, et je décide de rentrer.

Sauf que.

Partie 2 : de nuit

Sauf que voilà. La ligne de convergence est toujours active. Et que les orages s’y succèdent comme les perles sur un collier. Et que j’aurais du prêter plus d’attention au radar.

T’as compris le truc ? Le 2nd orage est très électrique en plus.

Donc c’est alors que j’avais commencé à traiter mes clichés de la journée que je décide de repartir pour Malfourat. Allez hop, la carte SD, la saccoche, de quoi boire, se couvrir, etc. Vroum !

Bah écoute, c’était une excellente idée. L’orage est clairement dégagé et est bien électrique. J’installe le matos et en avant.

Il semblerai que cette structure laminaire puisse caractériser certains orages supercellulaires. Toutefois, ne soyons pas trop hâti-ve-fs. Profitons du spectacle.

Cette cellule orageuse fera un bref passage, avec beaucoup d’eau. Et, à l’instar de sa grande sœur diurne, celle-ci présentera un ciel très clair et étoilé. Un bonheur de photographe !

Et cela pourrait convenir pour un orage de début Avril.

Hé bien… non. Une TROISIÈME cellule arrive. Encore plus électrique. Clic clac, je dois me remettre en position. T’as vu le radar quand même ?

Et là j’aurais tout mon loisir de voir l’orage s’avancer, traverser le Lot-et-Garonne pour nous parvenir ici, intact, à Bergerac.

Encore une fois, on distingue une structure laminaire. Que je prends au départ pour un arcus.

Mais il semble plus logique de croire en une structure laminaire, provenant de vents cisaillants.

Impact trifide au travers de la « jupe » orageuse. C’est cette photo qui peut me faire pencher en faveur d’une supercellule : bande d’afflux, queue de castor, nuage-mur rotatif (stries inclinées).

Mais les précipitations envahissent peu à peu l’avant-plan et rendent difficiles les identifications.

Pendant ce temps, pour chaque photo que je prends, c’est toujours une réussite avec un éclair extra-nuageux dans la boite ! Je vous laisse regarder.

L’activité électrique débordant du zoom à 50mm, je dois élargir un peu l’angle de champs.

Je dois même un peu plus élargir. Les décharges électriques sont vraiment nombreuses et le bonheur est total. Toujours de pluie sur mon site !

Finalement, le système se décale vers le Nord et passe donc à l’Ouest de ma position. Je saisi in extremis cet impact de foudre, un positif, qui a illuminé toute la vallée de la Dordogne. On peut même déterminer le point d’impact.

L’orage fini par se retrouver un moment au dessus de la vallée de la Dordogne, avant de prendre la même route que son précédent.

Pratiquement le cliché que je rêve d’obtenir mais tout est trop loin.

Ces trois derniers clichés où figurent des extranuageux, qui occupent la même place sur l’orage. Curieux.

Et je me décide à cesser les photos et à rentrer. Il est 23h20. Cela fait depuis 7h environ que je chasse trois orages successifs. Il est temps de rentrer.

La saison orageuse 2018 commence en beauté !

7 commentaires Ajoutez le votre

  1. ZYVA STARCK dit :

    Des photos magnifiques ! à couper le souffle !

    1. Damia Bouic dit :

      Merci beaucoup !

  2. Super série et bien documentée.
    Bien qu’en tant qu’astronome je me passe volontier des nuages, vous m’avez fait rêver.

    Michel

    1. Damia Bouic dit :

      Merci à toi Michel 🙂

  3. Éric38fr dit :

    Magnificat, comme dirait un·e Bachophile (je suis sûr qu’un concert, peut-être même le Magnificat de JSB précisément, dans l’ambiance d’un cœur d’orage… . . . Cœur d’orage et chœur choral !!! Bon, fin du délire). Il y a là dans tes superbes images, non seulement un splendide reportage, mais un riche matériel pédagogique, pour l’apprentissage de l’observation d’une part et de la météorologie d’autre part. bravo !

    Et puis, pendant que je suis ici, je n’avais pas encore pris le temps de te féliciter pour ton « déménagement » (hum, en gardant un pied-à-mars, tout de même, du côté de la longitude E138° ; en fait, prévois même un 2è pied dans ce coin dès l’automne prochain !), disons plutôt l’installation de ton nouveau studio donc, au-dessus des nuages de Vénus. Un coup de génie. Merci de nous révéler ses voiles ainsi. J’avais raté ton courriel du 22/12 (ce jour-là, avec deux collègues, nous « baladions » 900 gamins d’Arras depuis le théâtre municipal, dans quelques endroits sympas du système solaire), mais un peu plus tard, j’ai « attrapé » le tweet de Ciel&Espace, qui donc t’ont enfin (?) repérée. Ce n’est que justice (j’espère qu’ils auront été moins chiches avec toi qu’ils ne l’ont été il y a quelques années avec un photographe grand reporter de mes amis…).

    Un jour, tu vas bien nous rassembler un condensé de tout cela dans un ouvrage grand format, avec certains clichés sous forme de posters renforcés A3 dans un coffret, non ? Un peu avant un Noël, ce serait chouettte !
    Encore merci pour ces images propices aux songes, les nuits d’hiver… (oups, on est presque passé à Mendelssohn… voire à Britten… 🙂 )

    1. Damia Bouic dit :

      J’ai pas encore pris le temps de répondre à ton excellent commentaire 🙂

      Déjà merci 🙂 Ensuite, oui, j’aime bien mettre un côté pédagogique dans mes récits de chasse à l’orage. Notamment pour que læ lecteur-ice puisse être également « sur place ». Et je pense que décrire l’ambiance également c’est un bon moyen pour se transporter.

      Oui, pour Vénus c’était totalement inattendu. Je trouvais les images brutes de la sonde japonaise intéressantes et je me suis mise à faire un petit traitement RGB. Et ça a énormément plu, tout ça est remonté jusqu’aux responsables de la mission Mars Express, mais aussi de AKATSUKI. Du coup, Ciel&Espace a enfin daigné s’intéresser à mon travail (débuté il y a quand même 13 années de ça…).

      Ah oui, bonne idée l’ouvrage. C’est quelque chose auquel je réfléchis parfois, mais il me faudra rassembler pas mal d’énergie, car j’ai pas mal de difficultés pour me mettre en route…

      Bref, encore merci pour ton message et à bientôt Eric 🙂

  4. GuibourgAxel dit :

    Incroyable! Nous étions juste à côté, lors du premier orage parce que j’ai exactement les mêmes photos et ce tuba m’était bien familier! Par la suite, je me suis balladé entre Monbazillac et Sainte Foy la Grande où, la voiture s’est ramassé de bons grêlons sur la carrosserie ! Puis en soirée, de retour à Monbazillac pour observer les dernières cellules orageuses nocturnes s’évacuer.

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